Le présent n'est que le futur passé...
21 Mai 2013
Quelques semaines après le rachat raté de DailyMotion par Yahoo, ce dernier sort une nouvelle fois son carnet de chèques pour se payer Tumblr pour un peu plus d'un milliard US$. Ainsi donc quand Yahoo société de droit Américain rachète une autre société de droit Américain. Yahoo est prêt à verser 10 fois le chiffre d'affaire pour racheter une plateforme certes populaire mais déclinante. C'est ce ratio que semble utiliser Yahoo dans le prix à payer de ses acquisitions puisqu'il proposait 400 millions US$ pour 40 millions de Chiffre d'affaires. Ce mercato digne des grandes années de la bulle Internet donne le tournis et n'aide pas à comprendre le bien fondé de ces rachats. Mais pourquoi Yahoo rachète à tour de bras tout se qui se présente ? Et est ce que le refus fantasque de vendre 75% de Dailymotion était une hérésie ?
Je passe sur la forme excentrique et grandiloquente du refus motivé par l'état français de ce rapprochement de DailyMotion avec Yahoo pour revenir sur le fond. Les européens sont incapables de mobiliser des fonds et des capitaux pour soutenir leur industrie numérique. Une entreprise comme DailyMotion qui ne fait que 10% de l'audience de YouTube auraient pû et aurait dû pouvoir s'appuyer pour se développer sur des capitaux européens. Il aurait semblé tout à fait envisageable de faire un tour de table à 400 Millions d'euros avec Bertelsmann, Vivendi, Lagardère, Média7, Murdoch et autre pour faire de ce petit français un géant européen. C'était une voie naturelle, mais il n'en est rien. Les européens ayant perdu la bataille du numérique, cède à bas prix aux Américains leurs pépites numériques. C'est le désintérêt honteux, c'est la retraite de Russie.
Mais alors pourquoi Yahoo rachète tout ce qui se présente ? Yahoo était à la base un simple annuaire qui survit grâce à sa messagerie et à son audience source de revenus. Malheureusement YAHOO a failli être emporté une première fois par Google, puis par Facebook. Yahoo n'a pas réussi à s'imposer comme moteur de recherche et n'a pas su saisir le virage du réseau social. L'effet « modernitude » du numérique fait que les grandes entreprises du Web capitalisent très mal et fidélisent encore plus mal leurs clients. Combien de fois dans un diner parisien, n'avez vous entendu la phrase assassine « Yahoo c'est nul, moi je suis chez Gmail » pire encore « J'ai arrêté Facebook, c'est ringard, maintenant je tweete ». Les saisons passent et les sites disparaissent.
Pour survivre Yahoo rachète tant qu'il le peut encore, parceque les liquidités sont là et que l'argent des Chinois, des Brésiliens, des Qataris coule à flot pour s'investir quelque part. Ensuite cela permet une croissance externe et une capitalisation boursière élevée qui maintient l’intérêt du titre. Cependant Yahoo dans sa stratégie de prédateurs ne fait pas grand chose de ses proies absorbées. Kelkoo est devenu Yahoo Shopping et HotJob, YahooJob. Il était donc facile d'imaginer qu'à terme Dailymotion aurait disparu, d'abord délocalisé en Irlande pour échapper à l’impôt puis rapidement se dévitaliser et finir en YahooMotion concurrençant à moindre frais le YouTube de Google. L'histoire était presque déjà écrite. Demain Tumblr après la fuite de ses clients désabusés de ce rachat deviendra Yahoo Tumblr...
Nous avions donc bien raison de ne pas nous brader si facilement même si la forme était plus que discutable, en affaire le silence est de rigueur. En revanche nous autres européens avons tort de ne pas croire au numérique et surtout tort de ne pas nous serrer les coudes pour investir dans des leaders et développer ce secteur. L'avenir de DailyMotion n'est pas sombre il est incertains. La stratégie de FranceTélécom dans le numérique ressemble aux lapins crétins. Indécisions, stratégie industrielle floue, revirement permanent, changement de statuts, direction autiste, sont les maîtres mots de ce qui sur le papier était une bonne idée pour France Télécom et qui dans la réalité c'est avéré catastrophique.Dans cette affaire le plus discutable était la stratégie de France Télecom de vendre cette plateforme plus que le refus.