La Marche de l'Empereur

Mon voyage en Chine se faisait à l'invitation du « Jilin Animation Institute » situé à ChangChun au Nord Est de la Chine, dans la province de Jilin. C'est une grosse ville industrielle, dont le seul charme réside dans son lac et sa tour de télévision façon tour « Eiffel ». C'est la neuvième ville Chinoise, avec 7 millions d'habitants, presque un petit état Européen.

Cette ville est surtout connue en Chine pour avoir été la demeure du dernier empereur Puyi. Sa maison de poupée fut l'humiliation faite à l'empereur qui connaissant les fastes de la cité interdite. Il y viva reclu pendant les 15 ans d'occupation Japonaise. L'Hiver y est très rude et l'été étouffant. Comme toutes les grandes villes chinoises, la pollution est permanente et le trafic automobile intense.

Difficile donc de se démarquer de Bejing ou Shanghai et d'attirer des entreprises, et des talents, encore moins des experts internationaux en animation. Tous les moyens sont donc mis en oeuvre pour transformer, cette cité sans âme en foyer de création numérique. L’institut illustre par sa taille et sa démesure l'ambition de faire du JAI un pôle d'excellence. On y trouve un campus, un grand pavillon d'accueil capable d'accueillir des conférences ainsi qu'un nouveau musée.

Passé l'aspect monumental et moderniste des lieux, les surprises attendent le regard du visiteur occidental. Même si l'accueil est excellent, et le relationnel toujours cordial et fraternel, il n'en demeure pas moins que le modèle pédagogique Chinois est loin de nos critères. En premier lieu la gestion toute militaire des étudiants; qui va du costume à l'entraînement matinal.

C'est très surprenant, mais pas de jugements hâtifs, l'embrigadement est visible, mais cela rigole sec dans les rangs. Chacun se plis à cette corvée sans plus y croire vraiment. Autre déconvenue, est de constater le très grand dépouillement des salles de classes. C'est le strict minimum, tables, chaises, tableau, rien de plus pour cette ambiance monacale et studieuse. Tout l'investissement est dans le décorum du bâtiment d'accueil des salles de conférence. Nous sommes très loin du bouillonnement créatif et brouillon d'une école d'animation.

Un indice ne trompe pas lorsque l'on interroge les étudiants, ils veulent devenir « Producer », comme les écervelées de la StarAc veulent passer à la TV. C'est faire du business qui guide l'ambition des élèves. Comment faire de l'argent et non comment s'épanouir qui visiblement les fait tout accepter et tout endurer au détriment de toute créativité. Le rêve ultime est la possession d'une Audi, alors avoir un titre de « Producer » sonne vraiment bien. Je ne sais même pas si leurs études plaisent.

En revanche pour un vieux prof comme moi, ceux sont des étudiants géniaux, très curieux, toujours avides de savoir. Ils sont très impliqués et motivés, ayant la pêche dès le premier contact alors qu'ils ont 6 jours de cours par semaine de 8h à 17h et des travaux de groupes, qu’ils dorment dans des chambres de 4 étudiants et qu'ils restent des heures et des heures à attendre. Ils sont aussi comme tous les étudiants, fan de pop coréenne et scotchés sur les jeux vidéos des téléphones portables. Ils ont même rigolé à mes blagues, ce que mes étudiants français ne font plus depuis longtemps.

Je m'attendais à visiter une usine à rêve, il y a bien l'usine et ses ouvriers mais les rêves restent à construire et les désirs à s'exprimer. Le slogan de l'école est pourtant clair, estime de soi, créativité et discipline, mais comment laisser s'épanouir la créativité de 7 000 étudiants dont 1 000 en animation ? La créativité repassera. Difficile en effet d'acquérir les très chères licences de logiciels US ? sans passer par la case bidouille, et le Ultra Haut débit pour travailler et stocker « dans les nuages » est encore une utopie.