Le présent n'est que le futur passé...
9 Juillet 2011
Participer à l'Université d'été de la bande dessinée d'Angoulême est toujours un moment intense. Pour ma seconde participation, la qualité des échanges, la passion des débats et la créativité ambiante étaient au rendez-vous. Puisque le sujet retenu cette année était la place de l'auteur, d'un point de vue créatif, juridique et relationnel avec son éditeur, la salle de conférence était tout naturellement remplie d'auteurs et de dessinateurs. De Belgique, d'Allemagne et de France, plusieurs éditeurs avaient également fait le déplacement en Charentes.
A quoi reconnaît-on un auteur ? De BD de surcroît ? Au fait que pendant les débats, il gribouille, trace, dessine, croque, griffonne, noircit des pages et des pages de calepin. Rien d'étonnant à cela, c'est son moyen d'expression le plus naturel. Si pour vous le compte rendu d'une intervention peut se résumer en 5 lignes, ici un croquis sera plus efficace qu'un long discours. On aura donc beaucoup griffonné en trois jours. Comme à chaque fois, j'étais ravi d'être ainsi croqué, durant ma présentation par Meybeck, un auteur toulousain.
Que l'on ne s'y trompe pas, une université d'été dans l'univers de la BD, n'est pas un moment placide et ronronnant, c'est surtout l'occasion de débats et de discussions combatives et de remarques cinglantes. Comme lorsque la représentante de Pôle Emploi est venue nous présenter le « Pays de OuiOui » alors que d'expérience, les personnes présentes avaient une toute autre vision des contraintes administratives « à la Française ». Je dois dire que, ce que je prenais pour de l'inorganisation de services dans les réponses farfelus faites aux étudiants, se révèle en fait être une démarche très bien organisée et huilée de dilution du problème.
Revenons aux auteurs, dont le portrait fut difficile à cerner, qui se révéla en creux des autres débats. Seul et isolé, il se retrouve en Don Quichotte face aux moulins de l'édition, l'administration, la banque etc... La première révélation est que, plus qu'ailleurs, la paupérisation des auteurs de BD est flagrante et qu'il vaut mieux avoir un métiers stable et peu contraignant à coté pour pouvoir vivre et continuer à créer. Vivre de son talent et de son œuvre n'est pas évident mais cela ne décourage pas les plus téméraires. Le parcours du combattant pour espérer obtenir une obole est organisée pour être le plus rebutant possible, le discours façon « Bisounours » des innombrables et coûteux organismes d'aide à la création fut affligeant.
Et le numérique dans tout cela ? Me direz vous ? Le papier c'est sympa mais plus trop dans l'air du temps ? Et sur iPad on fait quoi ? A vrai dire le numérique n'est pas encore en odeur de sainteté dans les allées de l'université. Du coté des éditeurs, la crainte est réelle, le web est perçu comme une menace, responsable de nombre maux. La présentation de la très ingénieuse plateforme Manolosanctis est révélatrice. Alors que cette outil Web 2.0 est un formidable tremplin pour des auteurs souhaitant la rencontre immédiate avec le public est assimilée à un grand fourre-tout niant le travail de l'éditeur.
Du coté des auteurs, il reste encore à faire un travail d'adaptation de leur créativité pour entrer dans ces nouveaux supports et dépasser ainsi le simple « flip page ». Est ce que le public attend vraiment l'arrivée de BD numériques ? Je ne le pense pas réellement. Ce support a sa légitimité et son engouement, d'ailleurs un participant l'a signalé avec justesse, « le papier est la valeur ajoutée d'une BD numérique ». Alors ne nous « noyons pas dans les rideaux » et continuons à dévorer ces bulles de papier...
http://www.manolosanctis.com/fr