Quand le vice prend le TGV

Vous savez fidèles lecteurs combien j’aime à contempler mes contemporains lorsque deux fois par semaine je prends le TGV Poitiers-Paris-Poitiers. Cela me donna même l’occasion de rédiger un billet sur mes expériences dans le Train à Gravitation Virtuelle. Sur cette ligne qui tantôt dessert La Rochelle, Bordeaux et Irun, j’ai pour ainsi dire tout vu. De la bonne sœur charismatique en direction de Lourdes, aux Japonais sursautant à chaque annonce du haut parleur sans parler de la bourgeoise Bordelaise qui fait ses soldes à Paris.

Mais voici que depuis quelques jours un article fait le tour du Web à la vitesse d’un TGV. On en rit, on en sourit et on me met en copie. Car voici donc qu’un sénateur ;  Philippe Adnot, fidèle de la ligne Troyes-Paris, fut outré des usages de certains passagers. C’est ainsi qu’il adressa début juillet une question forte à propos à Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports.

Mais que diantre notre représentant qui voyage au frais de la République pouvait-il bien trouver d’outrageant en circulant dans les allées de son TGV ? Voilà qu’il s’inquiète quelque peu de la prolifération des « ordinateurs portables privatifs » dans les voitures TGV. Plus exactement, des libertés que prennent certains passagers sur leur ordinateur et autre lecteur de consulter des « vidéos non autorisées à tout public ».

Je cite ce sénateur dans le texte :

« Ce type de projections, notamment à caractère pornographique, outre le fait qu'il peut porter atteinte à la liberté publique d'adultes non désireux, mais contraints de les voir en raison de la proximité de leur siège, porte certainement atteinte à celle des jeunes publics. Philippe Adnot veut protéger les jeunes publics « auxquels ce type de projections est interdit par la loi », et donc demande au gouvernement s’il existe une réglementation spéciale pour contrôler cet usage.

Oui vous avez bien lu, ce Sénateur a vu en un trajet ce que je n’ai jamais perçu en 6 ans d’allez retour hebdomadaires. Ainsi donc le TGV serait un repère de pornographes libidineux et pervers qui pour satisfaire des voyeurs penauds feraient étalage de leur vice en exhibant des scènes obscènes sur leurs ordinateurs. Après l’interdiction de fumer et de téléphoner dans le TGV il faudra inventer un nouveau logo pour interdire le visionnage de film X. Chiche !!!

Pourtant le train, fut certainement l’invention qui débrida la libido et les phantasmes des passagers. Depuis Napoléon III combien de livres, de récits, d’émois, de rencontres, de passions suscitées par le mouvement chaotique des voitures de chemin de fer. Orient Express, Train de nuit, Voiture Pullman, Wagon restaurant, couchettes, sont des mots qui réveillent le désir, enflamment les pommettes, gratouillent le bas des reins.

Le TGV a pourtant balayé en une décennie toutes ces envies, voitures impersonnelles, plus de couchettes, pas de compartiments isolés, voiture Bar aseptisée, toilettes pour contorsionnistes et durée de trajet pour éjaculateur précoce. Mais il s’en trouva un, seul et unique à pister le vice, à dénicher le malin, à faire l’inquisiteur, le redresseur de tort, le père la pudeur.

Pour désigner la lenteur, il est populaire de parler de « Train de sénateur », Monsieur Adnot avait donc un train de retard. Ou alors était-ce de l’humour en ce mois de Juillet fade et estival ? 

La fiche du Sénateur Adnot

http://www.senat.fr/senfic/adnot_philippe89017r.html

Pour écrire au Sénateur

p.adnot@senat.fr 

Merci aux oies du Clain de s’être prêtées à l’illustration de ce billet.