Démo Day – Entreprendre sans limites – retour d'expérience

Prenez 350 étudiants de 1er et 2ième année, étudiants de l'Université d’Évry, qui ne se connaissent pas et qui viennent de toutes les filières. Plongez les pendant 6 mois sans qu'ils ne s'en doutent dans le Design Thinking, et les rouages de la création d'entreprises. Dispersez les dans 7 groupes de travail avec des experts, des coachs, des professionnels de la création d'entreprise, des entrepreneurs, des parrains et d'anciens étudiants. Lancez leur 3 défis dont l’Hôpital du Futur. Secouez, agitez, conseillez, encouragez, motivez, et au final organisez un Démo Day, tel est le pari fou de cet UEL Entreprendre sans limites de l'Université d’Évry Paris Saclay.

Le première fois que Brigitte Pezon, complice de longue date et lanceuse d'initiatives décalées, m'a proposé de m'associer à ce projet, j'ai dit oui un peu vite sans m'attendre à l'ampleur de la tâche et des montagnes à surmonter. Rien ici ne ressemble à rien de ce que je connais, les étudiants, l'extrême paupérisation et dénuement des lieux, la gestion administrative. Pour le coup je suis sorti de ma zone de confort de Sorbonne, IPAG et même Dauphine avec ses étudiants placides et policés, ses locaux proprets, confortables avec de jolis vidéoprojecteurs et de gentils appariteurs. Loin très loin de la Start-up Nation, avec ces zones de co-working aseptisées ou dans le paquebot creux de la Station F.

Tableau et craies, pas assez de chaises, va-et-vient incessant d'étudiants comme perdus eux même dans des dédales de couloirs, pas d'ordinateurs, tout le monde travaille ici avec son Smartphone, pas de crayon, pas de papier. Enthousiasme maximum et épuisant pour motiver en quelques semaines ces étudiants arrivés là par hasard pour en faire des entrepreneurs capables de pitcher en 1 min leur projets innovants. Tout est à faire et pourtant rien n'est impossible. Tout commence avec le RER D, ses arrêts intempestifs et sa traversée de contrée totalement inconnues des parisiens. Arrivée devant la Cathédrale contemporaine de brique rouge, son campus où les étudiants font du sport dans la rue.

Lors de ma toute première intervention, j'ai eu l'impression d'être un extra terrestre tombé de ma banlieue Ouest, qui enseigne à Poitiers et Paris, voyageur du temps et du monde mais étranger dans ma propre banlieue. Et pourtant pour ma seconde année, j'ai accepté avec plaisir de recommencer l'expérience, vivifiante et créative à la rencontre de personnalités impliquées et curieuses. Mission principale: apprendre à ces individualités à travailler en équipe, s'écouter, se respecter et se gérer. J'ai eu 5 projets avec 5 cheffes de projets, bravo à elles pour leur patience. Individualités dit souvent entêtement, disparition de certains éléments puis attributions fortuites de missions. La création de l'arbre des talents fut une grande découverte.

Pour certains, c’était la première fois qu'ils ont pu vivre une relation de confiance avec un enseignant, avoir mon mail et mon téléphone pour échanger librement sur la co-construction d'un projet d'entreprise. Au fur et à mesure leur projet devenait le leur, jusqu'à la montée angoissante d'avoir à le présenter, le vendre aux autres, se faire confiance, leur faire confiance pour prendre la parole devant une assemblée. Avant cela, bâtir un business plan, une activité crédible et réaliste, gérable et accessible avec même une politique de recrutement. Montrer que la concrétisation d'un projet n'est nullement réservé à l'élite des étudiants de Sup de Co ou d'écoles d'ingénieurs.

Le défi « Hôpital du Futur » fut très largement plébiscité par l'ensemble des étudiants, avec de nombreux projets très proches sur les conditions d'accueil des patients, notamment aux urgence et sur l'optimisation des circuits d'information. Effort très louable et très humaniste que de vouloir ré-humaniser l’Hôpital quand ce dernier fait tout pour désincarner la relation au malade. Enjeu délicat, car si les propositions sont justes, peu coûteuses et surtout rusées, il y a peu de chance qu'elles aboutissent dans l’Océan du gâchis Hospitalier. Les autres projets tournent autour du recyclage et des circuits courts.

Le point d'orgue final fut donc la présentation de 50 projets d'entreprises lors du Démo Day et l'affichage de leur initiative avec le pitch en amphi devant un jury. La métamorphose est complète entre ses étudiants égarés lors du premier rdv à ces étudiants sûrs d'eux, affirmés, confiants et combatifs. Bravo à eux, d'avoir jouer le jeu, et bien évidement s'ils ne concrétisent leur projet, ils savent désormais que cela est possible et accessible. Ils connaissent la montée d'adrénaline lors de défense d'un idée devant un parterre de compétences. Ils connaissent les affres de la gestion de projet, le temps et l’énergie dans la communication et la motivation d'une équipe.