Souvenirs du Japon

Après deux semaines passées au Japon, ce pays reste toujours aussi fascinant et énigmatique. Ma première rencontre avec le Japon, je l'ai eue lors d'une coproduction entre INDEX+ et l'éditeur Japonais Média Factory en 1998 pour le jeu immersif dans les tableaux de Van Gogh. Ma visite à Tokyo était calquée sur la vision de cette ville dans « Lost in Translation » révélée 5 ans plus-tard. Ma seconde visite, plus dense et instructive se fit en 2016, date symbolique durant l’élection de Trump à la Maison Blanche. Tokyo s'était hérissée de Gratte-ciels et je retrouvais l'ambiance des animés et des jeux-vidéo. Dans ma génération, le Japon était une sorte d'Eldorado dessinant notre futur avec des gadgets électroniques futuristes et une scénographie colorée et criarde.

Cette passion pour le Japon des français s'illustre chaque année à la Japan Expo, avec une foule idéalisant un Japon fantasmé et storytellé. Ce Japon n'existe pas vraiment comme le Paris tant aimé des Japonais est une chimère. Deux semaines plongées dans un Japon rural et ancestral ont confirmé ma passion pour ce pays pour lequel nous partageons tellement. Laissez-moi vous présenter un ressenti de ma visite au pays du Soleil-Levant, à la fois décalé ou cocasse, enjoué et rigoriste. Prenons le Shinkansen, le train, le bateau le taxi...

Commencez par oublier tout ce que vous connaissez des voitures japonaises. Ici les voitures sont des « Kei Cars », gros jouets montés sur des roues minuscules avec des couleurs acidulées portant le nom de « Lapin » (en français dans le texte). Les chauffeurs de Taxis sont des papys conduisant des Town-Cars surannées où de la dentelle recouvre les fauteuils et où les portes s'ouvrent toutes seules. Au japon on peut regarder la télévision tout en conduisant. Les routes sont denses avec un réseaux d’auto-ponts permanent dégradant le paysage, traversant des kilomètres de zones commerciales déprimantes. Oui le Japon peut aussi être très moche et repoussant. Tout est propre et rutilant même les chromes des engins de chantier semblent suspects. Toujours étonné d'y croiser des RENAULT KANGOO. Le train est propre, fiable et ponctuel et le Shinkansen reste un fleuron inégalé très loin devant notre TGV.

Ce qui frappe le voyageur est l'usage de cette langue arborée sur les devantures des magasins. Cela intrigue dans son phrasé, empruntant à la langue de Molière des mots au hasard pour en faire un grand n'importe quoi. Le Franponais n'est pas réservé à Tokyo ou Kyoto mais même un village reculé s'honore de titrer un magasin d'un Gloubiboulga linguistique faisant chic et élégant. Les pâtisseries, les marques de vêtements, de décoration et coiffeurs portent tous des noms à la consonance française si décorative. Coté apprentissage des langues cela ne s'est toujours pas amélioré, PERSONNE ne parle anglais... Merci au Traducteur de GOOGLE.

En dehors de cette langue imaginaire, la France reste une énigme pour le Japon. Nous passons pour un pays qui fait toujours autant rêver mais qui ne travaille pas beaucoup, qui rejoue le match de sa révolution en permanence et qui est capable d'élire un homme jeune aussitôt détesté. Notre SoftPower reste visible et puissant grâce à notre art de vivre et notre gastronomie que nous partageons avec le Japon. Pourtant nous ne sommes pas en récession comme régulièrement le Japon depuis les années 90. Nous sommes vite incompréhensibles dans un pays stable aux traditions immuables et où personne ne sort du lot, sauf à être artiste. Un Japonais se doit d'être discret et modeste, ce que, à l'évidence, nous ne sommes pas.

Depuis plus de 20 ans le Japon a perdu de sa superbe. Il n'est plus ce grand pays innovant, exportant son savoir-faire dans l'électronique grand public et où SONY inondait le monde de ses produits bruns. Le Japon a raté le virage du numérique, de la téléphonie mobile et des startups. Depuis l’humiliation suite à la catastrophe de Fukushima, la situation s'est dégradée. Surconsommation de plastique, conscience écologique très faible, pas de voitures ni de vélos électriques, éclairage public nocturne permanent sont les marqueurs d'un pays qui n'a pas encore pris son virage de la sobriété énergétique ce qui est un paradoxe quand on connaît son histoire. La Corée et surtout la Chine sont les nouveaux leaders de l'innovation, détrônant le Japon aux yeux du public occidental. Pourtant dans la robotique et le jeu vidéo le pays reste le leader incontesté et il poursuit ses diffusions culturelles au travers ses Mangas et ses animations. Notre passion reste intacte.

Passons à l'habitat traditionnel japonais hors des grandes villes est une découverte fascinante avec un travail du bois sans clous ni vis à partir d'un type de pin rectiligne et tendre : le pin cryptomeria mais également l'érable du Japon. Associé au Gengko, cela donne des couleurs dorées au paysage si reconnaissable. Maison de bois, portes coulissantes, toits de chaume, toits en Zinc recourbé et tatamis confèrent aux lieux l'esprit Zen et reposant d'un foyer simple mais confortable. On veut tous vivre dans un tel habitat, aux circulations fluides sans superflus intégrant son jardin Zen, où il faut se déchausser et s'abaisser pour rentrer. L'habitat traditionnel se fait de plus en plus rare, et l’écomusée de Shikoku montre le travail équilibré et la symbiose avec la nature pour proposer un style de vie épanouissant.

Terminons par le point commun de nos deux pays le plus marquant : la gastronomie et l'art de la Table. Je dois dire que ce voyage fut un vrai plaisir pour les yeux et pour le palais avec de superbes repas gastronomiques et un plaisir de la découverte de la variété des Saké. Même si les plats japonais manquent de mâche, de croquant et de croustillant, les saveurs sont originales et la présentation toujours au Top. Pourtant je n'adhère toujours pas au Nattō (Graine de Soja fermenté à l'apparence gluante), idem pour le déjeuner accroupi trop inconfortable pour nos grands gabarits. Je sais ami lecteur que c'est cette partie qui vous fera saliver et rêver alors il est temps d'acheter son billet...