Le présent n'est que le futur passé...
25 Septembre 2008
Elles étaient jeunes, désespérées, elles ont stoppé la voiture sur la voie ferrée, avant d’être broyée par un train de marchandise. Scénario tragique à la Thelma et Louise, elles s’étaient rencontrées sur un forum de discussion. Inconnues dans la réalité, elles avaient déjà avec d’autre sur différents sites, choisies le monde virtuel pour échafauder ces Pactes suicidaires. Eux aussi étaient très jeunes, en ce début d’année 2008, nés au Pays de Galles, ils voulaient en finir. Ils ont utilisés des sites de socialisation, pour se rencontrer, se convaincre, se rendre plus fort pour affronter la mort. Ils resteront à jamais les suicidés de Bridgend. Un ange blond, démoniaque et juvénile, s’entraîne au pistolet en montrant ses exploits sur YouTube. Il semble si inoffensif ce jeune finlandais, si tendre à la tête de bois. Il finira par tuer dix de ses camarades et son professeur dans son lycée technique. Ce pays est en deuil alors que raisonne encore sur le net son cri déchirant "Vous serez les prochains à mourir".
Elle est bien triste ma chronique aujourd’hui, mêlant révolte et interrogation. La voiture tue, les armes tuent, l’avion tue, un couteau tue, les bombent tuent, mais pas le Web, pas le net. Je ne peux croire que cette fabuleuse invention que je porte au plus fort et au mieux puisse devenir l’instrument de la mort. Ce fabuleux outil ouvert sur le monde qui devait tous nous réunir dans un « Small village », je ne peux me résoudre à imaginer qu’il apporte le deuil. J’ai écouté les gourous, j’ai enseigné ma foi dans la technologie, en évangéliste numérique, sans un instant me douter que la jeunesse s’en servirait pour en finir dans une autodestruction inutile et absurde. Mes yeux remplis de candeur et d’enthousiasme à montrer à tous les perspectives de la production personnelle, les joies de la personnalisation et les poussées fabuleuses du nomadisme, soudainement se remplissent de larmes en écoutant jours après jours ces nouvelles tragiques.
Non ce n’est pas ça le Web, cela ne doit pas être un accélérateur de mort, un déclencheur dépressionnaire, un facilitateur morbide, un instrument de la fin, je ne veux y croire, je ne veux m’en convaincre. Car les rapaces habituels, ont très vite fait l’amalgame, comme si les suicides étaient nés en 1994, comme si le Général Boulanger, avait eu besoin du net pour se donner la mort sur la tombe de sa bien aimée. Tout ceci est réducteur et ridicule, pathétique et grotesque. S’il suffisait d’arrêter ou de contrôler le Web pour stopper immédiatement les suicides, alors je serais le premier à signer. Mais où étaient les proches, les parents, les amis, les camarades, les médecins, enseignants, assistantes sociales, voisins, collègues, de ces suicidés ? pour aujourd’hui se permettre de dénoncer le clavier, huer sur l’écran, vomir le flux, cracher sur la toile.
Parce qu’un jour, vous aurez peut être vous aussi de plus en plus de mal à vous lever le matin. Parce qu’il arrive parfois le moment où vous semblerez peser des tonnes, être transparent, invisible aux autres. Parce que vous ne pourrez plus parlez à personne, parce que personne n’est là, parce que vous vous sentirez terriblement et affreusement seul. Vous vous sentirez moche à hurler, triste à fuir, vous ne mangerez presque plus, toute votre vie sera si insipide, si vide de sens. Alors vous vous tournerez sur cette boite noire, toujours disponible et secrète. Vous passerez des heures dans l’obscurité à vous saoulez de pixels, à vous abrutir d'HTML. Alors vous naviguerez sur des sites, les forums en quête d’une voix, d’un être, alors vous trouverez une main, mais pas la fin...
Double suicide de Toul: les victimes se sont rencontrées sur internet