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Eric Leguay, ma vie numérique

Le présent n'est que le futur passé...

Mascot Killer

A plusieurs reprises lors de mes cours, j’ai fait l’aveu honteux d’être un tueur de mascottes. Je vous ai souvent sentis dubitatifs et intrigués par cette pulsion de mort à l’encontre de ces petits personnages familiers. A chaque fois, que j’ai relaté des cas concrets de gestion d’un site Internet ou d’un intranet par une mascotte, vous aviez semblés surpris et très perplexes quant à l’opportunité d’une telle bestiole dans un intranet.

Pour vous convaincre, laissez-moi vous présenter Archibald, né en grande pompe le jour de la Saint Valentin. Oui chers étudiants, il existe encore des entreprises qui en 2007, pensent qu’une mascotte peut servir à guider les utilisateurs d’un site.



A l’heure de l’explosion de l’usage du net dans les foyers, à l’heure ou commander un Cd, faire développer ses photos, préparer ses vacances ou créer son blog ne nécessite nullement l’aide d’une mascotte, la même personne qui visite les forums et « podcast » à tout va, retourne à l’âge de pierre du numérique, une fois franchie la porte de son entreprise.

Que s’est-il passé ? Historiquement la mascotte est plutôt sympathique, chargée de symboliser une institution, une équipe de foot ou une entreprise. Même si certains costumes sont franchement ridicules, on aime bien ces êtres improbables. La mascotte la plus célèbre reste sans doute Ronald de la Chaîne de Restaurant MacDonald.


La désaffection pour cette marque ne l’a pas épargné, il se retrouve régulièrement décapité, immolé ou volé. Très fréquentes dans les pays Anglo-Saxons, les Français ont eux aussi connus leur mascotte : Footix qui avec élégance alliait le ridicule à la défaite.

Le sport et le « food » (le secteur alimentaire) sont habitués aux mascottes de tout poil. Une activité aussi sérieuse et d’avant-garde que l’informatique, nous avait jusque là épargné. Microsoft n’a pas de mascotte, même si le petit trombone facétieux du « Pack 0ffice » peut être rangé dans cette catégorie tant l’envie de l’étriper en public est forte. Pour contrebalancer la froideur cynique de Microsoft; Linux, son principal rival, su séduire avec Tux le manchot.

Les débuts de l’interactivité sur un ordinateur furent très laborieux. En effet apprentissage et diffusion allant de pair, il était difficile de tout comprendre d’une interface et bien souvent certains eurent recours par facilité et lâcheté à un substitut numérique. A nouvelle technique, nouvelle appellation. Cette fois exit la mascotte, faites place à l’avatar. La peluche s’est faite virtuelle, animée, interactive, ludique et conviviale. En réalité elle était là pour masquer le manque d’imagination de la conception et surtout les graves défaillances ergonomiques du projet. Car en effet si l’usage est clair et l’interface réfléchie, alors point besoin d’un avatar !

Surtout qu’il y a un contresens dans ce terme. Un avatar est une représentation virtuelle de soi-même et pas une interface de communication. Cela fait vraiment longtemps que l’humain n’a plus besoin d’une interface humanisée pour rentrer en communication avec autrui, mail, chat, forum sont là pour le prouver.

Complètement ringardisée aux yeux du grand public, la mascotte numérique hante encore l’intranet. A cela plusieurs raisons : en France l’intranet est encore trop synonyme de « flicage interne » et pas de plateforme collaborative. Son usage et sa diffusion sont donc très délicats. Une direction qui met en place un tel outil prend beaucoup de risques car il en va souvent de l’efficacité de l’entreprise. Ainsi comment motiver des salariés d’un grand groupe à utiliser les outils internes et l’intranet ? Comment prouver l’efficacité ? Comment convaincre de la pertinence du partage d’informations ? Comment fédérer les usagers de l’intranet ? Autant de questions que la présence d’une mascotte ne résout nullement. L’acceptation de l’intranet passera plus efficacement par la formation, par l’ergonomie intuitive et par l’émulation que par Archibald.


Imaginons donc un instant que l’intranet d’une entreprise nécessite réellement un avatar pour faciliter sa compréhension et son utilisation. Mais dans ce cas, pourquoi choisir de telles créatures ? Pourquoi prendre des personnages ringards au graphisme suranné, au dessin lisse et vide de sens ?

On pourrait prendre ces pantins pour des agents intelligents, comme dans cet exemple très parlant :

http://www.oddcast.com/home/demos/tts/frameset.php?frame1=talk

Mais il n’en est rien. L’animation est répétitive et fatigante, sans garantir à aucun moment la réponse adaptée et pertinente. Toutes les études et enquêtes que j’ai pu réaliser auprès des utilisateurs sont impitoyables. En premier lieu, la mascotte véhicule une image puérile et bêtifiante. En effet par son graphisme enfantin et désuet, les utilisateurs adultes ne se reconnaissent pas. Le discours souvent lénifiant de la bestiole, rebute le public cible qui a franchement l’impression d’être pris pour un benêt.


Plus grave encore la présence décalée d’un personnage illustré au surnom ridicule a tendance à dégrader le contenu expertisé et validé d’un site ou d’un intranet. Comment prendre au sérieux un contenu qui vous est servi par un pantin numérique ?

Enfin les commanditaires et concepteurs de ces mascottes sous-estiment la lassitude des adultes provoquée par l’apparition intempestive des Flora, Tim, Archi, Crik, Kiny, Foxy et autres Woolala. Certainement une des raisons du désintérêt de l’objet.


Ces mascottes numériques sont affligeantes lorsque l’on pense que les utilisateurs vont devoir les supporter plusieurs années dans leur environnement de travail. Chaque jour, ils seront salués, guidés par des substituts humanoïdes désincarnés et froids. Cela vous plairait-il chaque matin en allumant votre ordinateur de tomber nez à nez avec Footix ? Des centaines de salariés en France sont obligés de vivre avec des centaines d’Archibald. On ne sera pas surpris ensuite du manque d’intérêt dans les grands groupes industriels pour l’intranet.

Ces agences de communication, promoteurs de mascottes, manquent cruellement d’imagination et de culture numérique. On est en effet très loin du Doudou monstre de l'artiste allemand Boris Hoppek, alias Forty dans la pub Corsa, et encore plus loin de l’universalité tendre de Hello Kitty créé par la styliste Ikuko Shimizu pour Sanrio. Je fais appel à vous qui êtes encore étudiant pour vous ouvrir au « Pixel Art » et autres tendances graphiques des années 2000.

Pour en finir une fois pour toute avec ces mascottes, je vous en conjure: il se trouvera toujours une agence ou une direction de la communication qui trouvera « géniale, ludique et conviviale » la dite bestiole. Alors argumentez, discutez et prouvez son inefficacité, sa laideur, sa bêtise. Surtout investissez du temps dans l’ergonomie et la conception du site ou de l’intranet. Souvenez-vous toujours que Google, Amazon, la SNCF, la FNAC, TF1, Le Monde interactif, LCL, Apple, eMule, Skyblog, Allociné, Mypix, etc. n’ont pas besoins de mascotte pour fonctionner.


Pour en savoir plus sur les fabricants de mascottes

http://www.mascottes.com

http://www.cantoche.com

Pour en savoir plus sur la nouvelle scène graphique Française

http://www.lezilus.com/

Les illustrations proviennent des sites officiels des marques concernées.

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