Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir un père Napoléonien...

Il est rare que je m'épanche ici sur ma vie et mon histoire personnelle lui préférant ma vie numérique, plus riche et plus variée. Comme vous n'êtes pas sans ignorer que nous allons commémorer le bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte, vous allez rapidement comprendre ce qui se cache derrière ce titre clin d’œil au film avec Josiane Balasko. Car voyez-vous, dans ma famille, Napoléon est au delà du Mythe, c'est une passion viscérale. Pour vous résumer la situation, qui parfois tourne au cocasse : lorsque mon père est présent au Jubilé Impérial organisé à Rueil-Malmaison en présence de Patrick Ollier (Président de la Métropole du Grand Paris) et que le sosie officiel de l'Empereur apparaît sur son cheval blanc, qui croyez vous qu'il vient saluer en premier ? Mon père...

Ainsi toute mon enfance et mon adolescence furent jalonnée de commémorations, de visite de lieux illustres et de faits d'armes à la gloire de Napoléon. Qui a reproduit en maquette diorama de 3m de base des adieux à Fontainebleau de l’Empereur déchu ? Mon père. Qui nous a fait visiter les plans batailles du Musée de Compiègne ? Mon Père. Qui était à Waterloo en 2015 ? Mon père. Qui a voulu passer des vacances près de Brienne ou Avallon ? Mon Père. Qui a une collection impressionnante d'ouvrages sur Napoléon ? Mon père. Qui a une collection de petits soldats des guerres Napoléoniennes ? Mon père. Qui nous a fait visiter et pas qu'une fois le tombeau de Napoléon aux invalides ? Mon père. Qui nous a fait lire tous les livres sur Napoléon de Alain Decaux ? Mon père. Qui nous a fait assister aux conférences du passionnant Jean Tulard ? Mon père. Qui nous a fait assister à des reconstitutions de bataille en costume ? Mon père...

Je connais les châteaux de Fontainebleau et de Rueil-Malmaison par-cœur, car en prime mon oncle tenait la maison de la presse de Rueil-Malmaison et mettait de coté tout ce qui paraissait sur Napoléon. Parfois le sort s'acharne quand en 1998 pour INDEX+ nous sommes éditeur d'une co-production sur l'aventure savante en Egypte de Bonaparte, je suis replongé dans l'univers Napoléonien, bien malgré moi. Cela peut même sauter d'une génération, avec un neveu idolâtre de l'empereur qui effectua un stage à la Malmaison avec le privilège ultime de tenir le bicorne de Napoléon. Et même si pour un événement de jeu vidéo je me rends en Corse c'est avec un liste longue comme le bras d'objets iconiques Napoléoniens à rapporter. C'est vous dire si mon passif vis à vis de Napoléon est particulièrement lourd.

Difficile d'avoir un avis objectif et froid sur le personnage, car déjà enfant, j'étais surpris qu'un peuple qui venait de faire la Révolution pour se débarrasser d'un roi se mette à désigner un Corse pour Empereur. Napoléon était donc pour moi une énigme et par provocation je me plaisais à être Bonapartiste pour contredire mon père Napoléonien. Chacun vit son œdipe comme il le peut, et mes lectures personnelles me confortaient vers cette préférence post révolutionnaire qui fit écrire à Beethoven une Symphonie. Amusé je le suis encore quand à chacune des élections présidentielles, un homme endosse ce costume conquérant de Sarkozy à Macron oubliant que cette phase de la vie de Napoléon comme 1er Consul ne dura que 3 ans.

Vous pouvez imaginer les repas de famille enflammés ou je balançais du « Dictateur esclavagiste sanguinaire » à mon père qui ne voyait qu'un conquérant libérateur de l'Europe de l’oppresseur Royaliste. Alors aujourd'hui ces commémorations reprennent ce grand dilemme et ces deux visions irréconciliables d'un grand homme pour les uns, d'un despote pour les autres. Tantôt Républicain adulé ou banni par la gauche puis par la Droite conservatrice, il est la figure historique la plus controversée. Les chaînes de télés le mettent en scène avec des émissions présentées par les très Royalistes Stéphane Bern et Lorànt Deutsch, m'imposant devant cette imposture de prendre sa défense. Si ce débat n'était que français et si mon Père était un cas rare et unique, tout irait bien dans le meilleur des Mondes, mais Napoléon est devenu une figure tutélaire et statue du Commandeur pour de très nombreux pays. Les reconstitutionnistes à Waterloo ou Austerlitz se comptent par millier.

Le comble revient aux Britanniques qui lui vouent un culte sans limites mais également des Russes, des Belges, des Allemands et autres nostalgiques. Les reconstitutions ne se comptes plus avec des jeunes vivant comme au temps de l'empire à travers l'Europe. Des passionnés de l’empereur sont légions, remplissant les librairies, des Musées, les colloques, les plateaux télé. Le très fantasque Pierre-Jean Chalançon est venu éclairer de sa folie douce sa vision d’opérette de l'Empereur. Sa déchéance l'année commémorant sa mort a libéré la parole, et permis de prendre sa distance avec de nouveaux éclairages. Est-ce a un Président d'une République de faire honneur à la Commémoration de sa mort ? Tout comme était-ce au Roi Louis-Philippe d'organiser le retour de sa dépouille ?

Que me reste-t il aujourd'hui ? De cette tutelle Napoléonienne ? Mon amour de l'Histoire, la République littéralement viscérale, mon plaisir de la reconstitution en costumes, le plaisir des jeux de stratégie (oui j'ai joué à Napoléon Total War), d'être né un 14 Août veille de, d'avoir un frère né un 5 Mai, le combat de mes idées, ma laïcité, mon européanisme, mon Egyptomanie, l'amour des arts décoratifs du Consulat et de l'Empire, mon Romantisme, le cadrage épique du Napoléon d'Abel Gance... Et tant de choses encore comme la chanson du Britannique Neil Hannon's de Divine Comedy "Napoleon Complex". “L'histoire est une suite de mensonges sur lesquels on est d'accord.” Napoléon Bonaparte.