Maman c'est quoi un Hackathon ?

En plein Week-end de la Paris Games Week, journal de 20h sur France2, Laurent Delahousse présentateur le mieux coiffé du PAF, annonce le journal avec un titre accrocheur : « Ce soir nous allons vous dévoiler les dessous de l'industrie du jeu vidéo ». S'en suit un reportage ubuesque « les forçats du jeu vidéo ». On y voit, de dos, un jeune à lunettes, nous expliquer qu'il fut obligé, durant ses études, à dormir dans la classe pour la réalisation d'un jeu vidéo en 2 jours. J'ai personnellement éclaté de rire en découvrant qu'il parlait certainement d'une « Game Jam », ou plus précisément d'un Hackathon du jeu vidéo. La grande majorité des téléspectateurs du 20 heures dont l'age moyen est de 60,8 ans selon Médiamétrie, n'a absolument rien compris, affolé certainement d'imaginer des étudiants obligés de « dormir » sur place. Venant de la télévision qui exploite jour et nuit à tour de bras des stagiaires non rémunérés, le sujet était amusant et cocasse.

Qu'est ce donc que ce mot barbare de Hackathon contraction de Hacking et de Marathon ? Une réunion de jeunes souvent étudiants, dont l'objectif est de concevoir et produire en un temps très limité, souvent 24H ou 48H non stop, un programme informatique, un site Web, une start-up, un projet numérique et innovant. Pour le jeu vidéo on parlera de Game Jam, une webnight pour le Web, pour une start-up, un start-up Week-end et pour une programme informatique: un Hackathon. Le temps concentré non stop en 24H ou 48 heures fait naître une forte émulation et génération d'idées, qui impose de vivre ensemble dans un même espace afin d'échanger et de produire de manière agile. L'autre particularité outre rester dormir ou se reposer sur place est l'aspect ludique de l’événement avec son coté régressif dans la consommation excessive de bonbons. Voici les bases d'un Hackathon réussi.

Hasard du calendrier, cette semaine j'organisais pour l'IAE de Sorbonne un Hackathon ayant pour thème : imaginer un produit numérique pratique ou ludique afin d'améliorer la vie des jeunes de plus de 65 ans. Six équipes de six personnes ont vaillamment cogités. C'est le projet BeeBop d'un robot compagnon de vie qui a remporté le premier prix du jury. Je ne suis pas à mon premier Hackathon, car initiateur de la Webnight de l'Université de Poitiers depuis presque 15 ans, j'officie également dans de nombreux Start-Up Week-end comme le premier de Poitiers organisé par le tiers-lieux Cobalt. Sans aucun masochisme de ma part, j'aime à participer ou organiser ces événements, qui encore une fois sont particulièrement festifs et créatifs.

Un Hackathon mais pour quelle portée pédagogique ? Car rapidement se pose la question de son utilité pour les étudiants et les enseignants. La première est l'étude comportementale d'une équipe projet soumise à une production intense et à la gestion humaine du temps. Le thème et le sujet sont souvent un prétexte d'étude pour voir, comprendre et apprendre du comportement des équipes dans leur stratégie de succès. On apprend plus sur soi et sur ses camarades en 24 heures qu'en une année de cours sans être pour autant un week-end d'intégration. Comment se constitue une équipe ? Comment se répartissent les tâches dans l'équipe ? Qui sont les leaders ? Les réfractaires ? Qui valide ? Qui travaille ? Qui contrôle ? Comment se maintient l'enthousiasme et le rythme ? Comment se décourage une équipe ? Comment s’essouffle une équipe ? Comment et pourquoi certaines équipes se sentent et se vivent invincibles ? J'ai sur le sujet des centaines d'anecdotes qui alimentent ensuite ma pédagogie dans la gestion de projet et l'apport du numérique.

Loin d'être traumatisante, cette expérience sous contrainte temporelle est particulièrement instructive et enrichissante. La preuve en est qu'une bonne équipe comme sur un bateau doit pouvoir organiser des « quart » pour que chacun puisse se reposer, pour maintenir la fraîcheur et la concentration. Interrogez mes étudiants du Master Web edito de Poitiers, du CNAM-ENJMIN et de l'IAE pour comprendre leur enthousiasme à y participer. Loin d'être des forçats du numérique, ils pourront mieux gérer leurs équipes et mieux gérer leur temps dans une mise en compétition professionnelle. Maintenant vous savez ce que cache ce mot barbare, qui loin de convertir les étudiants en forçats, les aide plutôt à mieux gérer et anticiper leur vie professionnelle. Vous pouvez éteindre votre téléviseur et retourner jouer...

A lire...

http://ericleguay.over-blog.fr/2016/04/webnight-2016-le-bilan.html

http://sha.univ-poitiers.fr/masterweb/webnight-les-realisations/

https://www.cobaltpoitiers.fr/events/startup-weekend/