Le présent n'est que le futur passé...
6 Avril 2013
Vous recevez une invitation, comme tant d'invitations à fêter l'anniversaire de votre aîné, votre supermarché, votre grand-mère ou votre marque de pâte à tartiner. Cette invitation vous trouble, car elle formalise le vieillissement du numérique, de votre vie et de vos étudiants. 12 ans déjà que vous enseignez dans un Master qui à l'époque se nommait DESS dédié à l'éditorial Web. A l'époque il avait fallu toute l'énergie et la volonté de Guillaume Bourgeois pour faire rentrer au sein de l'université, le savoir numérique pour former l'élite du Web français. Grâce à une amie commune, j'avais rencontré Guillaume au bar du Train Bleu de la gare de Lyon.
Notre passion commune pour la chose codée ne pouvait que nous faire nous rencontrer. Ces 12 années sont aussi un chemin jalonné d'autres riches rencontres et de soirées animées souvent renouvelées. Poitiers 2 minutes d'arrêt, raisonneront très souvent dans ma tête quand prenant le TGV comme aujourd'hui j'allais retrouver mes étudiants du DESS ou du Master. Cours de gestion de projet numérique, à mes début, j'enseigne aujourd'hui la culture et l'économie numérique, et demain sans doute la gamification de notre société ou le Web marketing.
Tout cela semble avoir évolué si vite. De nos deux petites salles de cours sous les combles de l’Hôtel Fumé, je garderai le souvenir de ce plancher craquant et de la chaleur dégagée par les écrans cathodiques, disparus depuis comme des dinosaures de l'ère pré-digitale. Le petit groupe, soudé animé d'une farouche volonté de croquer à pleine dent ce média naissant, écoutait des heures entières les cours de codage. Du code, ils en ont mangé jusqu'à l’écœurement, comme demain le big data, de l'écriture web également. Il y eu ensuite le déménagement à Malraux, avec sa salle aseptisée et ses premiers écrans LCD. Enfin retour à l’Hôtel Fumé restauré, accueillant et suréquipé.
Le réseau, parlons-en, fut une catastrophe dans les premières années. Il fallait être très patient pour accéder au moindre site Web, souvent sans Flash, trop lourd, et prohibé par le service informatique. A cette époque les étudiants avaient très rarement un pc portable hors de prix et pas de connexion rapide à domicile. Il n'y avait pas encore de « smart phone » et tous n'avaient pas de mobile Je me souviens encore de ce temps où certaines revendiquaient haut et fort leur allergie à ce moyen de communication.Les cours se déroulaient in situ, en famille, dans une grande cuisine d'échange de recettes et de protocoles.
Le web de cette époque était massivement 1.0, orienté diffusion encore secoué et bouleversé par l'éclatement de la bulle internet. Il fallait beaucoup de persuasion et d'arguments à ces étudiants pour convaincre les entreprises et les institutions de l'avenir de ce média. Guillaume, moi et l'équipe enseignante prirent souvent le bâton de pèlerin pour positiver le Web. A l'époque, on parlait beaucoup de lisibilité sur écran, aujourd'hui avec le responsive design cela fait sourire les pionniers. Personne ne doute plus à l'heure des tablettes que l'on peut lire, créer, partager, communiquer et tant de choses sur ce carré de plastique lisse qui tient dans le sac ou le creux de la main.
Il n'y avait pas non plus de réseau social, juste des intranets d'entreprises, souvent compliqués sans lectorat, avec un graphisme hasardeux. Pourtant « copain d'avant » permettait déjà de retrouver vos copains d'école, bien avant que Marc Zuckerberg ne transforme la planète en amis à usage unique. Nos premières promos pleines d'ambition et de créativité sentaient vibrer en eux l'évolution de cette matrice numérique en y apportant leurs briques de pixels. Comme le codage était en dur, les matières les plus importantes et volumineuses concernait le HTML et le PhP, depuis les CMS ont permis aux étudiants d'alléger ces enseignements.
L'organisation de la première WebNight marqua un tournant. La formation était arrivée à maturité, et les étudiants placés, prouvaient à chacun la pertinence de la filière. Ils pouvaient enfin s'amuser et communiquer grâce à un mot nouvellement créé ; le Buzz. La WebNight fit buzzer, offrant une pause récréative dans la formation. Je suis très fier chaque année d'entendre les étudiants parler des éditions précédentes, pourtant si périlleuses à monter. Cette année encore la WebNight réservera son lot de surprises, d'humour, de photos, de vidéos et de sites montés en 24h chrono.
Mon TGV va arriver, je vais rejoindre Yannis, qui a repris le flambeau de ce master avec la même passion et la même volonté de diffuser les bonnes pratiques professionnelles dans un métier en évolution permanent. Dans 12 ans, quand je serai un vieux Monsieur, je regarderai encore ce livre que nous écrivons ensemble et dont la toile garde à jamais les moments les plus forts et les plus marquant. Je rirais des blagues Web 4.0 de mes étudiants et irait manger à Saint-Maixent. Aujourd'hui place au Champagne... Joyeux Anniversaire...