Le présent n'est que le futur passé...
12 Juin 2017
Il est clair qu'en choisissant de dénommer sa nouvelle offre inOUI en lieu et place des traditionnels TGV, Guillaume Pépy et ses équipes marketing prenaient un énorme risque en plaisanteries douteuses et mauvais jeux de mots. Loin de moi, l'envie et l'idée de me moquer des agents, bien souvent laissés à eux même devant subir ordres et contre ordres avec un système d'informations plus que décevant. J'ai souvent critiqué ce système déjà mis en place par la RATP qui consiste à soigner le client plutôt que les raisons du mal, qui fait que le ReR A, soit une réelle catastrophe en termes de ponctualité. Le plus important est de prévenir qu'il n'y aura pas de ReR quel-qu’en soit le motif ou la raison, colis suspect, voyageurs malades, maintenance matériel, que de trouver des solutions à tout ces maux récurrents. Ainsi la RATP informe les voyageurs sans rien résoudre en évitant de se faire taper sur les doigts par le STIF qui ne gère rien et continu à acheter du matériel pour rien.
Ainsi donc, ce lundi matin, commençait déjà très mal avec le ReR A de 7h30 annulé en gare de Poissy pour « livraison tardive de travaux ». C'est habituel, le lundi matin, et la poésie dans l'énoncé n'a d'égal que la fréquence du maux ou du mot, au choix. Prévoyant, j'ai pris l'habitude de toujours partir plus tôt et de me rabattre sur le train classique, joliment dénommé « Transilien ligne L » déjà bondé, pour Saint-Lazare. Pour information, la Gare Saint Lazare ne donne aucune information sur la qualité du transport dans les autres gares et rien pour les départs en province. Un rapide coup d’œil sur l'application SNCF pour me rassurer que tout est en ordre. Arrivée à Montparnasse mon train pour Angoulême est déjà annoncé avec un retard de 20 minutes puis rapidement 45 minutes. La gare est déjà pleine à craquer, version « 1936 congés payés », avec cette vision surréaliste d'absence totale de TGV en quai. Tout le monde sent bien qu'il y a quelque chose de « pas normal » puisque les retards des arrivées s'accumulent.
L'angoisse monte rapidement quand, comme par magie tous les agents SNCF disparaissent en un instant et que les guichets de vente se ferment. Une file d'attente commence à se former devant le bureau d'information de la gare, mais rien d'officiel, les voyageurs très nombreux ce lundi matin à destination de Bordeaux arrivent, encombrant encore un peu plus la gare de ceux qui ne sont pas partis. Comme dans le film catastrophe « 58 minutes pour vivre », les panneaux d'affichage annoncent « Cancelled » pour l'ensemble des vols : nous voyons s’afficher « Supprimer » pour tous les TGV vers Bordeaux de la matinée. Je peux vous assurer que la tension dans la gare vient de bondir d'un cran, et la peur succède à l'inquiétude sur les visages de voyageurs, devant une gare qui ne cesse de se remplir. Ruée immédiate sur son Smartphone, pour essayer d'obtenir une info, rassurer ses proches ou trouver un plan B. Pendant ce temps très tranquillement l'application SNCF annonce 45 minutes de retards, quand le premier TGV de Poitiers n'est toujours pas arrivé et que le cumul d'heure oscille entre 1h30 et 3h. Des centaines de voyageurs sont coincés dans les rames et sur les quais.
Le premier agent SNCF qui pointe son nez, un contrôleur, est immédiatement assailli, alors que lui même en sait moins que nous. Les rumeurs commencent à circuler, accident grave de voyageur, attentat, accident, grève. Des gilets rouges qui ne sont pas des agents SNCF sont envoyés au contact direct des clients munis d'un Smartphone aux informations erronées et d'un répertoire d'horaires. C'est donc 3 heures après mon arrivée, qu'une annonce confirme la suppression des TGV de la matinée avec un retour progressif dans la journée "dû à un accident grave de voyageurs". Vers 11h30 un TGV duplex sans voiture Bar est acheminé en gare avec pour destination Bordeaux en omnibus sans heure de départ, il partira à midi, bondé des voyageurs en perdition des TGV annulés. Voilà, c'était mon reportage à vif d'une matinée extraordinaire mais plus ordinaire qu'il n'y paraît, dans la vie d'un TGViste.
Que retenir de cette matinée ? qu'aucun plan B n'est jamais prévu et que tout événement est géré comme s'il s'agissait de la première fois alors que ces événements tragiques sont récurrents. Que toutes les mesures de sécurité, surtout en période de vigipirate renforcée volent en éclat, devant un événement d'ampleur. Que les informations sont toujours erronées, et que panneaux, écrans, et applications, délivrent des informations contradictoires. Que les seules annonces faites en gare sont pour nous dire de ne pas fumer. Qu'aucune annonce n'est faite en anglais à destination des touristes. Que nous ne saurons pas ce qu'il s'est réellement passé puisque les suicides annoncés concernaient la ligne de Nantes alors que c'est la ligne de Bordeaux qui fut paralysée. Qu'au final la SNCF m'aura bien acheminé à Angoulême avec beaucoup de retard, un remboursement de mon billet, une offre promotionnelle de 25% pour mon prochain billet, une bouteille d'eau et un plateau repas, avec des crayons de couleurs. Que la Direction de la SNCF pense vivre au pays de OuiOui pour appeler son TGV inOUI.