Le présent n'est que le futur passé...
9 Septembre 2016
Je suis ! je suis un indépendant qui passe son temps dans les TGV. Je suis ! je suis un consultant spécialisé en gamification et transformation numérique. Je suis ! je suis coach R&D. Je suis ! je suis multi-carte, multi compétences. Je suis ! je suis intervenant à la Fac. Je suis ! je suis un conférencier international. Je suis ! je suis un joueur de GN. Je suis ? je suis un Slasher...
Ce mot brutal, qui cingle et claque sous la langue, est sensé illustrer la difficulté et la débrouillardise de la génération Y à s'intégrer dans le monde de l'entreprise. Il devient pour moi, non par choix mais par nécéssité, la définition très actuelle de ma vie professionnelle. Ce nom de slasher vient du signe typographique « / » très présent dans le numérique et qui permet de segmenter ses activités, sa vie, ses jobs et les URL. Il est communément admis que la majorité des slashers sont graphistes/chargés de production ou designer d'interface/photographe. Pour ma part je suis enseignant/consultant/coach/conférencier, et/ou, où/et partout tout le temps, par tous les temps. Mes compétences en gestion de projet et mes talents de Scrum Master sont mis à rude épreuve quotidiennement.
Lorsque j'énonce la liste de ceux pour qui je travaille et où je vais, cela a de quoi donner le tournis et me faire passer rapidement pour un mythomane, ce que je ne suis évidemment pas. Sorbonne, SHA Poitiers, ADALIA, CNAM-ENJMIN, Dauphine, IPAG, EFREI, mais aussi Cap Digital, Gobelins, Ferrandi, CCi de Paris, CNC, CLEMI etc s'y ajoute les conférences pour des collèges, lycées et autres établissements. Devant cette énumération à la Prévert, ma famille en déduit que j'ai raté ma vie. Première difficulté, la gestion de mon agenda est un véritable casse-tête. Le moindre déplacement, ou changement dans mes rendez-vous et tout l'équilibre si minutieux à mettre en place s'éffondre comme un château de carte. S'ajoute que chaque zone de travail a ses propres règles, ses propres fonctionnements, ses mots de passe, ses accès WiFi et ses règles de vie. C'est un second défi a relever que de ne rien oublier, rien ne doit se chevaucher, et rien ne doit foirer.
Il y a aussi les collègues et les étudiants à usage unique, ne pas oublier leurs prénoms, ne pas mélanger les Camille, les Anne-Claire et Stéphane ou Patrick. Celà impose au slasher d'être toujours de bonne humeur, disponible, jovial, attentionné car la trace qu'il laissera en partant sera celle d'un grand parfum, s'il ne veut pas être oublié. Comme un comédien en attente du rôle de sa vie, il se doit d'être plus que disponible au dépend de son emploi du temps démoniaque. Personne ne se soucie de savoir si lui même est surchargé, car le premier motif qu'il entendra lorsqu'il est sollicité est que son interlocuteur est surbooké. Comme il n'a pas de RTT, ni de vrais congés payés, ses soirées et week-end sont très chargés et consacrés à l'organisation de ses multiples activités. Il est souvent le premier a répondre aux mails du Dimanche soir, ou vers 3h du matin, pour s'assurer d'une semaine sans galères.
Le point le plus récurent et le plus délicat, car nous sommes en France, est de réussir à se faire payer. Quand je dis cela, normalement, cela devrait être une banalité, mais pas dans le beau pays de France. C'est même une épreuve sans équivalent, que d'arriver dans des délais raisonnables a être rémunéré pour des cours et des prestations pourtant réellement effectuées. Je dois dire que dans ce domaine, j'ai acquis une grande expérience et je suis toujours fasciner de constater combien les servives administratifs et financiers mettent un malin plaisir à retarder, voire escamoter, le règlement de votre dû. C'est un paradoxe pour quelqu'un comme moi, chantre de la transformation numérique, que de constater que nous sommes au quotidien, proche de la Roumanie de Ceaușescu, ou de l'administration de Courteline. Malgré un Ministère de la Simplification, le choc tant attendu n'est toujours pas venu.
Il manque toujours un papier, un RiB, un certificat, sous une forme physique, pour venir tout bloquer. Malgré de nombreuses années, le dossier est toujours mystérieusement incomplet avec l'obligation de fournir de nouveaux documents comme un extrait de casier judiciare « vierge » au titre du droit opposable à enseigner. Alors que l'on vous demande un RiB, c'est un chèque qui vous est envoyé, avec une erreur dans votre nom, repoussant ainsi le paiement de 3 mois. Une autre fois c'est le décompte des heures qui laisse apparaître 30 minutes en votre faveur, bloquant le paiement de toute une année. La liste est longue et épuisante des contraintes administratives inutiles et kafkaienne. Je pense que me présenter aux élections présidentielles serait plus facile, que d'obtenir un paiement dans un délai raisonnable. 5 mois en France, même pour une avance, semble un délai rapide, chose que ma banque à qui il faut encore 2 jours pour créditer un chèque refuse de comprendre.
En revanche ce mode de travail est réellement un immense enrichissement intellectuel et offre une liberté sans limites. Vous êtes épargnés par les réunions sans fins, l'énergie négative, les bruits de couloirs et les manoeuvres internes, la journée finie vous disparaissez. Vous échappez également à vivre en permanence avec les mêmes collègues, puisque vous êtes le seul à en changer tous les jours. Vous avez cette faculté de rencontrer pleins de personnalités si différentes et si enrichissantes, que vous n'avez qu'une seule envie : les mixer. Chaque année, de nouveaux étudiants viennent grossir le rang de vos amis FB, qu'ensuite vous mettez en avant dans vos entreprises. Vous passez votre temps à marier tout le Monde. En fait pour vous le changement c'est maintenant. Variété, nouveauté, disponibilité et polyvalence, sont à votre programme. Certains de vos collègues vous envient lorsque vous raconter cette vie à la Britney Spears, que vous contez si bien.
Pourtant passé 50 ans, ce rythme est épuisant, contraignant et dévastateur pour sa vie personnelle et sa vie familiale, cela tombe bien, vous n'en avez plus. Alors on a envie de se poser un peu pour les 20 prochaines années qu'il vous reste de carrière professionnelle, sans tout bazarder, mais en concentrant les énergies sur un ou deux métiers. Vous imaginez déjà une vie plus paisible, mais qui ne dépend pas de vous. Je lance cet appel à celui ou celle qui me veut tout entier, à 100% tout à lui, pour sa structure, son entreprise, son établissement, je me jette dans ses bras. C'est mon voeux électoral de ma primaire à moi.
http://ericleguay.over-blog.fr/article-that-s-my-life-125241239.html