Le présent n'est que le futur passé...
20 Janvier 2016
Les préjugés et clichés des français sur les allemands sont encore très nombreux et tenaces. Sans aller jusqu'à la germanophobie de Mélanchon, la méconnaissance de ce pays par mes compatriotes est totale. D'abord par le frein de la langue qui malgré le succès de Tokyo Hôtel n'a pas parfaitement percée chez nous, puis par l'afflux des touristes qui reste une denrée rare en Allemagne en regard de l'invasion estivale que connaît la France. Pour résumer, lorsque un français croise un allemand, c'est sur une plage de Vendée, lorsque un français parle de la culture allemande, c'est pour évoquer Derick, en résumant sa gastronomie aux saucisses. Pour compléter ce triste tableau teinté du complexe d'infériorité, lorsqu'un français parle foot, c'est pour reconnaître qu'à la fin c'est TOUJOURS l'Allemagne qui gagne.
Il y a potentiellement un élément de comparaison ou nous partons à égalité, c'est le déploiement du numérique. Nos expériences numériques sont comparables, le BildText moins répandu valait bien notre Minitel. Nos industries dans ce domaine sont équivalentes, Deutsche Telekom vaut bien ORANGE, et Safran vaut bien Siemens. Les taux d'équipement sont voisins et l'usage des technologies numériques est comparable. Le fossé se creuse, lorsque l’on compare la répartition géographique de la population Allemande à celle de la France. D'un coté, l'Allemagne décentralisée, connaît une répartition géographique équilibrée avec de grosses métropoles, ceci facilitant le déploiement du réseau numérique, en accélérant le e-commerce, par des distances courtes et des coûts de transports réduits entre métropoles. De notre coté une France hyper centralisatrice, hypertrophié en son cœur Parisien. Le déploiement du numérique sur le territoire est donc plus coûteux et le e-commerce désavantagé par de grandes distances à parcourir en zones dépeuplées.
Pourtant, lorsque les français souhaitent se comparer à un autre pays, si ce n'est pas par absence de modestie aux États Unis, c'est à la Grande Bretagne que l'on fait référence, notamment pour le « Digital ». Xavier Niel veut concurrencer la City avec la Halle Freyssinet. Anne Hidalgo croise régulièrement le fer avec Boris Johnson, Maire de Londres et grand inspirateur du " French Bashing ", pour maintenir une suprématie touristique et culturelle, quand celui des affaires est déjà perdu. Pourtant les choses et les enjeux changent. Depuis quelques années, je constate que de nombreux de mes étudiants, partent faire un stage en Allemagne et principalement à Berlin, que se soit dans le jeu vidéo ou le marketing digital en lieu et place de Londres. Ce qui frappe dans leur séjour Berlinois, est l'enthousiasme de leur découverte et l'enchantement de leur expérience. Parfois leur engouement est un peu naïf, l'attractivité de Berlin fonctionne à plein régime, même si elle n'est pas le cœur économique de l'Allemagne.
Au fil des années et très discrètement, Berlin est devenu la ville préférée des jeunes français, pour leurs études et leur stage. Ils sont déjà plus de 20 000 à s'être installé à Berlin. Ainsi selon SLATE, dans son classement annuel des villes les plus cools pour vivre et étudier, Berlin arrive 10ième alors que Paris est 20ième, quand Londres se réserve aux étudiants les plus riches. Est ce à dire que sans faire de bruit, Berlin est entrain de devenir une Smart City discrète ? séduisante ? Efficace ? Écolo ? Bon marché ? Cool quoi !!! J'ai profité de mon passage à Berlin en fin d'année pour regarder de près cet engouement. Il est vrai que la vie Berlinoise est plus détendue et moins stressante, que la qualité de vie est forte et que le style de vie est plus simple et moins chichiteux qu'ailleurs. La CurryWurst dégustée à 17h avec ses collègues de travail, est un bon indice de convivialité. Dans cette concurrence sur le numérique, l'attractivité, le dynamisme, et la qualité de vie, entre Paris, Londres et Berlin, Berlin pourrait bien enlever la mise.
Pour un Parisien, Berlin est un peu un rêve d'écolo sans Cécile Duflot. La ville entièrement détruite par les bombardements de la seconde guerre mondiale, et coupée en deux jusqu'en 1990, a profité de sa réunification, pour se réinventer, se reconstruire et s'imaginer en « Smart City » humaine et accessible. Berlin est redevenue la capitale de l'Allemagne réunifiée, et malgré ses 3,5 millions d'habitants, elle ressemble plus à une grosse ville de province comme Lyon, Barcelone ou Milan, qu'à une capitale. La ville est aérée, verte, paisible, bien équipée, active et cultivée, à taille humaine, avec une concentration urbaine réfléchie. Les loyers sont encore « bon marchés », très loin des délires inflationnistes de Londres et Paris. Les transports en communs sont nombreux, très efficaces, propres et fiables, aux antipodes du ReR francilien par exemple. Avec bonheur les Berlinois ne connaissent pas le concept RATP du voyageur malade.
La vie culturelle est intense et les grands Musées à grand coup de subventions Européennes sont refait à neuf, redonnant à Berlin sa splendeur artistique passée. Quelle autre capitale au monde a une Pariser Platz ? (Place de Paris), une Französische Straße ? (Rue française), des Galeries Lafayette ? et une Gendarmenmarkt Platz ?(Place du marché des Gendarmes). Berlin a donc des arguments pour séduire les parisiens entrepreneurs à la condition express qu'ils soient germanophones. Coté « Ville intelligente » des déplacements en ville, les Autolib « DriveNow » malheureusement très coûteus sont des BMW i3 électriques, le covoiturage est très largement répandu et les bornes de recharges sont visibles dans tous les quartiers. Coté gadget, on peut trouver des bancs lumineux sponsorisés qui s'éclairent lorsqu'on flashe le QR code. C'est complètement inutile, mais incitateur de l'utilisation des QR code, très nombreux en ville. Berlin désormais n'a plus peur de se comparer et de se présenter comme une vraie alternative crédible à Londres, en terme d'attractivité. Preuve supplémentaire de son dynamisme, l'entreprise Cisco et l'artiste dissident Chinois Ai Wei Wei se sont installés à Berlin.