Les tables de la loi selon Attali

Il y avait les 10 Commandements de Moïse, les 110 propositions de François Mitterrand, voici les 315 décisions de Jacques Attali. Le monarque a sollicité le grand sage, le grand sage a répondu. Le monarque voulait de la rupture, il va être servi. Le monarque a écouté, il a commenté, il n’a pour l’instant rien décidé. Car Attali, coté monarque, il s’y connaît, lui qui fut le courtisan le plus écouté du dernier grand pharaon républicain défunt. Il est habile, il est rusé, il est cultivé, il est autonome et si arrogant.

« Ceci n’est ni un rapport, ni une étude, mais un mode d’emploi pour des réformes urgentes et fondatrices. »

C’est tout ou rien, a-t il dit, et à écouter le tumulte autour de cette publication cela risque d’être RIEN. A mort les départements, les notaires et les pharmaciens, Vive, les hypermarchés et les vols à bas coût. Il flotte dans la lecture de ce rapport comme un parfum de programme pré-électorale d’une élection passée et déjà gagnée. Que peut bien faire notre monarque de ce catalogue ? Lui qui ne jugea pas nécessaire de consulter ses députés pour imaginer un tel brûlot.

Alors en simple sujet que je suis,  j’ai voulu en savoir plus. J’ai examiné en détail ces décisions si sulfureuses pour  dépasser la polémique et voir enfin quelque chose bouger dans notre beau pays. La lecture est simple, le constat impitoyable et les remèdes expéditifs. Ce rapport est du « grand » Attali, très bien entouré, on y retrouve sa patte, sa vision, ses passions. Je me suis particulièrement focalisé sur notre futur numérique qui prend une part centrale et j’ai jubilé, applaudi et rêvé que tout soit adopté…

Les plus importantes « décisions fondamentales » tournent autour de la formation supérieure, de la recherche avec le numérique comme moyen de développement.

DÉCISION FONDAMENTALE 2

Constituer 10 grands pôles d’enseignement supérieur et de recherche autour de 10 campus, réels et virtuels, fixant les conditions d’excellence de l’ensemble du système de formation supérieur et de recherche.

DÉCISION FONDAMENTALE 3

Redonner à la France tous les moyens (dont ceux de la recherche) pour prendre une place de premier rang dans les secteurs de l’avenir : numérique, santé, énergies renouvelables, tourisme, biotechnologie, nanotechnologie, neurosciences.

DÉCISION FONDAMENTALE 4

Mettre en chantier dix Ecopolis, villes et quartiers d’au moins 50 000 habitants intégrant technologies vertes et technologies de communication.

Et si Poitiers devenait la première Ecopolis, elle en a tous les avantages et les atouts.

DÉCISION FONDAMENTALE 5

Entreprendre dès maintenant la mise en place du très haut débit pour tous, à domicile, dans l’espace numérique de travail et dans l’administration.

Après cette première série de pistes incontournables, on rentre dans le gras du rapport avec les déjà célèbres 315 décisions. J’ai choisi d’isoler les décisions concernant les choix qui dessineront notre futur numérique.

DÉCISION 2

Repenser le socle commun des connaissances pour y ajouter le travail en groupe, l’anglais, l’informatique et l’économie.

D’un coté du ring, les enseignants équipés, largement utilisateurs et producteurs de contenus, de l’autre coté, des élèves amateurs de numériques et de jeux vidéos, bingo c’est le moment de jeter une passerelle, de tisser des liens d’utiliser et d’exploiter cet outil sans préjugés.

 

Vient le moment d’un constat cruel et pourtant très vrai de la comparaison avec nos voisins Européens. Nous qui aimons tant nous mesurer aux Etatsuniens, notre développement numérique n’est pas flatteur, merci Monsieur Raffarin…

LE NUMÉRIQUE, PASSEPORT DE LA CROISSANCE

La France a longtemps été en avance dans le secteur des télécommunications et elle le reste : en matière de haut débit (flux supérieurs à 1 Mbit/s), le taux de pénétration est en très forte progression et le niveau d’offre Internet est l’un des plus compétitifs. La France est un leader des connexions haut débit ADSL grâce à une régulation en faveur du dégroupage et à la qualité technique du réseau historique. Ces comportements ont été encouragés par une baisse des prix d’un peu plus de 30 % en 10 ans, représentant un surplus pour les consommateurs estimé à 10 Md € en dépit de certaines entraves à la concurrence ; les usages, eux, ont été multipliés par 2,5. Succès encore dans la capacité d’appropriation d’Internet illustrée par l’explosion des blogs.

Aucune société française ne figure parmi les 15 premières sociétés éditrices de logiciels. Seuls deux « champions nationaux » s’inscrivent au palmarès des 5 premiers groupes mondiaux dans les six principaux secteurs de l’économie numérique. La France n’a presque aucun acteur de taille mondiale dans les industries d’Internet. L’Europe, et plus particulièrement la France, accusent du retard dans les infrastructures très haut débit par rapport à l’Asie et aux États-Unis. La part de l’économie numérique dans la production française n’est que de 6 % au lieu de 13 % aux États-Unis et 17 % en Corée. Notre tissu de PME, déjà insuffisamment développé, reste rétif à l’usage de ces technologies comparativement à nos principaux voisins européens.

Vous lisez bien, « Aucune société française ne figure parmi les 15 premières sociétés éditrices de logiciels ». Car voyez-vous, j’ai assisté, ces 15 dernières années à la mort ou la fuite à l’étranger de très nombreuses entreprises numériques, Ubisoft est parti au Québec et Exmachina s’est effondré. Personne n’a bougé, les politiques sont restés agglutinés autour du buffet dînatoire des  colloques. Pendant ce temps la Nouvelle Zélande devenait la terre promise des effets spéciaux, le Québec le foyer du jeu vidéo et les grandes « Web Agency » s’installaient à Londres ou Barcelone.

DÉCISION 49

Garantir une couverture numérique optimale en 2011.

DÉCISION 51

Faciliter l’accès de tous au réseau numérique.

C’était déjà des demandes phares soutenues par le projet «Renaissance Numérique» dont je fis l’écho dans ces colonnes.

DÉCISION 63

Créer un poste de haut-commissaire au développement numérique.

S’il vous plait Monsieur Attali, ne faites pas revenir Monsieur Loïc Le Meur, laissez-le aux Etats-Unis. Loïc Le Meur nous quitte… Nous pourrons très bien nous passer d’un « haut commissaire au développement numérique », le dernier en date, pantoufle désormais au conseil d’état.

DÉCISION 132

Mettre en place des écoles de la deuxième chance, notamment par la méthode du e-learning et par la mobilisation de tuteurs recrutés parmi les seniors ou jeunes retraités.

 

OBJECTIF Généraliser l’e-administration

DÉCISION 244

Réorganiser la gestion des projets.

DÉCISION 245

Accélérer la dématérialisation des procédures.

DÉCISION 246

Lancer 10 nouveaux programmes majeurs d’e-administration visant à dégager au total 15 milliards d’euros d’économies par an pour l’État.

Oui, oui, oui, des deux mains j’applaudis !!! Nous avons les compétences, les talents et les énergies, les étudiants sont prêts et motivés. Monsieur Attali, je retire tout ce que j’ai dis, tout ce qui aurait pu vous blesser. Ce rapport est une bombe qui ne demande qu’à exploser, et je suis prêt à vous aider à allumer la mèche. Ce rapport ne doit pas finir aux oubliettes comme le déjà défunt « Grenelle de l’environnement ». Alors je vous promets d’en faire une grande communication auprès de mes étudiants, collègues et amis et de raviver en permanence la flamme du changement…

Pour télécharger le rapport
http://www.liberationdelacroissance.fr/

Tous droits réservés pour la couverture du Figaro et de Libération du 24 Janvier 2008
Les caricatures sont de Dupuy-Berberian publiées dans le journal Libération du 24 Janvier 2008