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Eric Leguay, ma vie numérique

Le présent n'est que le futur passé...

FRANCE GAMING ANGELS

FRANCE GAMING ANGELS

Hier soir sur le Rooftop de la BPi se tenait le lancement officiel et la présentation de la plateforme France Gaming Angels initié par le SNJV. Initiative très heureuse, de voir naître « une plateforme française de mise en relation entre les porteurs et porteuses de projets de sociétés liées au jeu vidéo et des Business Angels de l’industrie qui souhaitent investir et accompagner ces futurs entrepreneurs ». Si l'initiative est positivement applaudie, elle semble tardive et illustre magnifiquement l'incompréhensible capacité du secteur à lever des fonds pour se financer. Ma longue expérience d'enseignant dans ce secteur à la fois dans la gestion de projet et la budgétisation mais également dans le soutien à la création de structures, et mes expertises chez Cap Digital, me permettent d'apporter un éclairage un peu décalé.

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Tout a très mal commencé dans ce secteur dés les années 80. En effet c'est le modèle cinéma qui fut choisi pour financer les jeux. Le studio n'existe que par la création d'une œuvre unique, comme pour un film ou il y a un producteur, un distributeur et donc un financement autonome d'un titre. En choisissant ce modèle, c'est la séduction du titre qui doit assurer son financement, comme le scénario pour un film. Le producteur monte un tour de table mais ne finance pas la structure qui reste souple au gré de la réalisation. C'est donc tout naturellement vers le CNC et les structures de l'état que tous les acteurs se sont tournés, pour se financer. Ce marché étant basé sur le Hit, même les grands studios étaient soumis aux risques de production, remettant en jeu chaque année leur viabilité financière.

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Patatras, les années 2000 verront l’émergence d'un nouveau secteur du digital. le Web a une capacité incroyable de lever des fonds par milliards pour parfois financer du vide avec des valorisations démentielles. Les studios ne seront jamais considérés comme des Start-Up et l'industrie du jeu n'aura jamais accès à ces financements. Le Web et ses acteurs vont rafler la mise du digital, laissant beaucoup de studios sur le carreau. L'arrivée du smartphone et son statut de 1er console de jeu va légèrement améliorer les choses, en multipliant les studios et les initiatives. Le rachat de Zynga par Facebook et le gigantesque succès de « Angry birds » n’empêcheront pas la fermeture du studio ROVIO. L'industrie du jeu vidéo est perçue par les investisseurs comme éphémère, peu stable, très cyclique avec une stratégie de hit peu valorisable à la clientèle furtive et peu fidèle.

Avec deux anciens étudiants - Laurent Lemoine et Mathias Giméno fondateurs de studios

Avec deux anciens étudiants - Laurent Lemoine et Mathias Giméno fondateurs de studios

Bon an, mal an, au fils du temps, l'industrie c'est structurée, mondialisée, autour de grands studio/editeurs et d'une myriade de petits studios prestataires créatifs et adaptables. A grand coup de financement public, de CNC-RIAM, de prêts à taux zéro, d'aides régionales, de crédit impôt recherche, le secteur arrive à se financer. Les métiers se sont structurés, les écoles fournissent des compétences enviées sur la planète entière et le marché de consommateurs répond présent avec un panier moyen en hausse. L'offre est pléthorique, variée et intergénérationnelle, avec de très nombreux apports technologiques puisque le jeu-vidéo est le premier vecteur de diffusion de la technologie et de ses IHM innovants . Pourtant, malgré des chiffres très encourageants, sur des usages ancrés et stables, avec des CA élevés, un secteur omniscient, l'industrie a toujours autant de mal à trouver du financement capitalistique.

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Coté acteurs du secteur, c'est le passionné militant qui prime et non le business-maker, exacte opposé du Web. On ne parle pas d'argent dans un studio, c'est tabou et vulgaire, on se sent « Game artist », créatif, « Game designer », et non financier. Ma simple évocation d'un BP ou d'une valorisation, en cours au CNAM-ENJMIN, soulevait la réprobation Mélenchoniste des étudiants alors que j'avais l'écoute et le soutien auprès de mes étudiants de l'IPAG en cours de gamification. Au point que l'intitulé de mes cours était maquillé pour ne pas voir fuir les étudiants. D'ailleurs c'est bien là que le bât blesse, l'incapacité des acteurs du secteur a valoriser leur travail. Depuis le temps qu'ils entendent via la presse, les politiques, leur famille, l'ONISEP, qu'ils ne fabriquent que des petits Mickeys amusant qui ne valent RIEN. Il est donc évident que leur confrontation face à un financier est brutale et traumatisante. Les témoignages lors de cette soirée étaient éloquents, de naïveté et de candeur, vis à vis de la relation du secteur avec l'argent.

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Un financier, finance une structure, pas un projet, il finance sur une durée moyenne à long terme et non à cours terme. Il se fout du sujet mais regarde la valo et le potentiel, il regarde la capacité de revente et sa sortie programmée. Le financier s'amuse à jargonner. C'est un jeu, pour vous tester, voir si vous avez compris les enjeux. Ce n'est qu'un jeu verbal, qui comme a pu en témoigner une directrice de studio tout à fait accessible. Verbiage qui est rapidement oublié quand le deal est réalisé. La plus grande difficulté des acteurs du secteur est de sortir du rôle de concepteur à celui d'entrepreneur, et ce point est commun avec tous les autres secteurs d'activité, de la cuisine, la pâtisserie ou la mode. D'ailleurs ne serait-ce pas l'occasion de réaliser un business game ?

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